Donnée macroéconomique la plus attendue de la semaine dernière, l’inflation américaine est légèrement ressortie au-dessus des attentes sans que cela ne perturbe outre mesure les marchés financiers. Cette quasi-absence de réaction, notamment sur le marché des taux, est encore un bel exemple, s’il en était besoin, du relativisme qui domine chez bon nombre d’investisseurs. Si ces chiffres ne sont pas de nature à modifier le discours de la Fed, qui anticipe trois baisses de taux pour cette année selon les derniers « dot plots », les attentes des investisseurs, avec 6 à 7 baisses de taux attendues dont une première en mars, peuvent, en revanche, paraître optimistes, notamment dans le cas d’un scénario de soft landing[1]. Aussi, nous pensons qu’il convient de ne pas basculer dans le biais de confirmation voire dans la pratique des philosophes sophistes capables de défendre une thèse et son contraire. En effet, comme précisé dans notre dernier rendez-vous du lundi, si le pivot[2] de la politique monétaire américaine est bien acté, nous restons, à ce stade, sur la ligne de crête en matière d’inflation et de croissance.

Dans le détail, les prix à la consommation sont repartis à la hausse en décembre aux États-Unis avec une hausse de +0.3% sur le mois soit +3.4% sur un an contre +3.1% le mois précédent et +3.2% attendu. Sur la partie core, la hausse mensuelle est également de +0.3%, ce qui porte la variation annuelle à +3.9% contre +4.0% le mois précédent et +3.8% attendu. Si le mouvement de désinflation n’est pas remis en cause, le détail des chiffres confirme que celui-ci sera moins rapide dans les mois à venir et que la dernière phase de baisse vers les 2% sera plus graduelle. Deux causes principales expliquent cette décélération. La première concerne les poches inflationnistes qui se maintiennent encore à des niveaux élevés. C’est notamment le cas des loyers qui représentent encore la moitié de la hausse de l’inflation sur décembre avec une progression de +0.5% sur le mois et de +6.2% en rythme annuel. Si la baisse sur cette composante est bien engagée, elle est en revanche beaucoup plus graduelle qu’initialement escompté. La seconde cause réside dans la fin des effets de base favorables sur des éléments ayant déjà fortement diminué et qui ne seront donc plus des sources de désinflation rapide. C’est par exemple le cas des prix de l’énergie, dont les variations vont devenir plus volatiles après une forte baisse, ou du prix des biens. En effet, sur ces derniers, après un pic à plus de 12% en rythme annualisé en février 2022, ils s’établissent désormais proche de zéro depuis maintenant plusieurs mois et leur contribution à faire baisser l’inflation globale est désormais assez limitée. Ainsi, dans le cadre du scénario d’une économie américaine qui éviterait toujours une récession, les anticipations de marché sur les baisses de taux directeur et leur timing, peuvent paraître légèrement optimistes même s’il convient de souligner que, lors de son dernier discours, le président de la Fed avait indiqué ne pas attendre les 2% pour initier les premières baisses de taux. Tout est relatif…

D’inflation il en est aussi question en Chine ou plutôt de désinflation. Les données publiées font état d’une nouvelle variation négative des prix sur un an, quoiqu’en légère hausse après le creux de novembre (-0,3% contre -0,5%). Cependant, contre toute attente, ces éléments n’ont pas poussé la banque centrale chinoise à modifier son taux directeur. Là aussi, pour tenter de comprendre mieux ce qui se joue en Chine et le comportement de la PBOC, il faudrait se soustraire à notre logique occidentale. Une baisse des taux directeurs chinois aurait été logique et pourtant… Une chose est sûre : les marchés continuent à bouder la Chine et nous conservons notre sous-pondération sur la zone. Enfin, sur le front géopolitique, la victoire du parti indépendantiste DDP aux élections présidentielles de Taïwan ne semble pas avoir exacerbé les tensions à court terme. Le nouveau président a, en effet, promis de poursuivre les échanges avec la Chine et la perte de la majorité législative de son parti pourrait être favorable à Pékin. Les altérités et la force du relativisme en géopolitique sont autrement plus complexes encore que sur les marchés, l’Homme restant finalement la mesure de toutes choses…


Article proposé par Auris Gestion